07/10/2025 elucid.media  3min #292730

Le concept « Idiocracy » ou la confortable illusion de l'intelligence

publié le 07/10/2025 Par  Mikaël Faujour

La comédie satirique d'anticipation Idiocracy est presque devenue un concept, dans un monde où la bêtise semble dominer les gouvernements davantage chaque année. Employé de l'extrême droite à l'extrême gauche, ce « concept » bien commode révèle un préjugé qui lie l'exercice du pouvoir au savoir et à « l'intelligence », et entend dès lors soustraire cet exercice aux « idiots ». Cette opposition entre intelligence et bêtise a des implications tout sauf démocratiques, ni même politiques.

« Le monde se compose de deux classes - les instruits et les ignorants - et il est essentiel pour le progrès que les premiers puissent dominer les seconds. [...] Dès lors que l'on admet qu'il revient aux classes instruites d'éduquer les non-instruites, on commence à voir s'ouvrir un panorama illimité pour l'amélioration humaine » (1). Si ces propos de l'économiste libéral Irving Fisher (1867-1947) datent de 1907, ils nous apparaissent cependant familiers. C'est en effet du même moule idéologique que sort la fameuse saillie du député macroniste Gilles Le Gendre, alors président du groupe La République en marché à l'Assemblée nationale, au sujet des causes du mouvement des Gilets jaunes : « Notre erreur, c'est le fait d'avoir probablement été trop intelligents, trop subtils, trop techniques dans les mesures de pouvoir d'achat ».

Cette espèce de darwinisme social est, certes, le fond de sauce psycho-idéologique du camp bourgeois-libéral et explique sa vision du monde technocratique et pseudo-méritocratique. Mais ni l'extrême droite « populiste » ni la gauche ne sont en reste. De la fameuse couverture de Charlie Hebdo du 8 février 2006 d'un Mahomet déplorant que «  c'est dur d'être aimé par des cons » à celle, toute récente, du magazine So Good («  Racistes, sexistes, climatosceptiques : comment convaincre les cons ? »), les exemples abondent.

Le concept Idiocracy

Souvent mobilisée comme une œuvre visionnaire qui aurait annoncé, dès 2006, le monde que nous avons sous les yeux, la dystopie satirique Idiocracy, symbolise bien cette grille de lecture. Dans ce film, un bibliothécaire de l'armée et une prostituée se trouvent enrôlés dans une expérience de cryogénisation qui tourne mal. Lorsqu'ils reviennent à la vie, cinq siècles ont passé, et les voilà au XXVIe siècle dans un monde intégralement dominé par le marché, le spectacle abêtissant au dernier degré et l'idiotie jusqu'au sommet de l'État.

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